La CNCTR contrôle la légalité de toutes les demandes de mise en œuvre de techniques de renseignement sur le territoire national, avant qu’elles ne soient soumises à l’autorisation du Premier ministre.
La commission, par l’exercice de ce contrôle a priori, est l’un des maillons de la chaîne opérationnelle qui conduit au recueil de renseignement : sa consultation préalable constitue une étape obligatoire qui a pour but de garantir que les atteintes à la vie privée qui pourraient résulter de la mise en œuvre de techniques de renseignement sont proportionnées à la gravité des menaces ou à l’importance des enjeux qu’invoquent les services de renseignement dans leurs demandes.
La mise en œuvre d’une technique de renseignement nécessite l’autorisation préalable du Premier ministre : le chef du Gouvernement ne peut l’accorder qu’après avoir consulté la CNCTR.
Faute d’autorisation donnée dans ce cadre, l’emploi d’une technique constituerait une infraction pénale.
Sont concernés par cette procédure toutes les techniques de recueil de renseignement définies par la loi et tous les services légalement habilités à y recourir.
Le Premier ministre ne peut délivrer d’autorisation qu’en présence d’une demande écrite et motivée que lui présente le ministre dont relève le service concerné.
Pour être valablement présentée :
La loi impose aux services de renseignement de justifier chacune de leurs demandes d’autorisation avec une précision suffisante. Doivent être précisés la technique pour laquelle ils sollicitent cette autorisation, les finalités que sa mise en œuvre poursuit, les motifs qui justifient le recours aux mesures de surveillance concernées, ainsi que l’identité de la personne visée, le cas échéant le lieu où le dispositif de collecte de renseignement serait installé.
La procédure d’autorisation est conçue pour que les demandes soient traitées dans les meilleurs délais tout en garantissant l’efficacité du contrôle de la CNCTR :
Une fois saisie d’une demande, la commission dispose d’un délai de vingt-quatre heures pour statuer, si l’avis peut être rendu par un seul de ses membres.
La commission veille, tout d’abord, à ce que la demande soit présentée selon une procédure régulière : elle vérifie que l’auteur de la demande est bien compétent pour recourir à la technique dont il sollicite l’autorisation et que la motivation de sa demande présente un caractère suffisant.
Elle s’assure, ensuite, du bien-fondé de la demande. Ce contrôle suppose de vérifier notamment :
Dans l’hypothèse où le Premier ministre délivrerait une autorisation en dépit d’un avis défavorable de la CNCTR, la commission devrait alors obligatoirement et immédiatement saisir le Conseil d’Etat d’un recours tendant à ce que le juge administratif contrôle la légalité de cette décision et, le cas échéant, l’annule.
Ce recours s’exerce devant une formation spécialisée du Conseil d’Etat qui statue dans un délai de vingt-quatre heures, en premier et dernier ressort, sans que puisse lui être opposé le secret de la défense nationale. La décision du Premier ministre ne peut être exécutée avant l’expiration de ce délai, sauf certains cas d’urgence dûment justifiée et si le Premier ministre en a ordonné la mise en œuvre immédiate.
En 2021, 22 958 personnes ont fait l’objet d’au moins une technique de renseignement. Parmi elles, 7 826 personnes, soit 34,1 % du total, l’ont été au titre de la prévention du terrorisme et 5 932, soit 25,8 %, sur le fondement de la prévention de la criminalité et de la délinquance organisées.
Une même personne pouvant faire l’objet de plusieurs techniques de renseignement à la fois, le nombre total d’avis rendus par la commission sur les demandes qui les concernent est plus élevé : en 2021, les services de renseignement ont ainsi présenté 87 588 demandes, dont près des deux tiers visaient à accéder à des données de connexion en temps différé.
Chaque année, la CNCTR rend compte publiquement des constats qu’elle dresse lors de ses contrôles sur la façon dont les services de renseignement utilisent les techniques de renseignement, dans le respect du secret de la défense nationale qui couvre ses travaux et sans révéler les méthodes opérationnelles des services : ses observations sont détaillées dans ses rapports d’activité, consultables sur ce lien.
La loi interdit la surveillance de parlementaires, de magistrats, d’avocats ou de journalistes à raison de l’exercice de leur mandat ou de leur profession.
Le cadre juridique créé par la loi en matière de renseignement vise ainsi à garantir le respect du secret attaché à l’exercice de professions concourant au bon fonctionnement de la démocratie par exemple, la surveillance d’une personne exerçant les fonctions de magistrat ne peut être autorisée pour recueillir à son insu des informations relevant du secret de l’enquête, de l’instruction ou du délibéré. Cette protection s’applique de la même manière aux informations couvertes par le secret des sources, s’agissant des journalistes, ou par le secret des échanges entre un avocat et son client dans le cadre de l’exercice des droits de la défense. Elle s’étend enfin aux activités politiques de personnes titulaires d’un mandat parlementaire dont le libre exercice ne peut faire l’objet d’intrusion extérieure.
La mise en œuvre à leur égard de techniques de renseignement ne peut donc avoir pour but la surveillance de leurs activités professionnelles : pour obtenir une autorisation du Premier ministre, le service concerné doit démontrer dans sa demande que les activités ciblées sont, sans aucun doute possible, détachables de l’exercice de ces professions et qu’elles représentent une menace pour les intérêts fondamentaux de la Nation.
La loi prévoit que toute demande de ce type soit soumise à une procédure d’examen renforcée :
Elle rendra un avis défavorable si la demande n’a pas d’autre objet que la surveillance d’une activité protégée par la loi, ou si sa motivation ne permet pas d’établir de façon suffisante un lien direct entre la personne visée et une activité distincte de son activité professionnelle ou de son mandat qui serait susceptible de représenter une menace pour les intérêts fondamentaux de la Nation. Cette protection doit bénéficier, selon la CNCTR, à toute personne sur le territoire national, quelle que soit sa nationalité, qui en France, dans son pays d’origine ou dans le cadre international, exerce l’un de ces mandats ou professions.
Les avis défavorables de la CNCTR représentent un taux d’environ 1 % du nombre total de demandes.
L’évolution du taux depuis 2015 témoigne des efforts accomplis par les services de renseignement pour se conformer aux exigences qu’impose le cadre juridique en matière de techniques de renseignement. Elle s’explique aussi par la qualité du dialogue que la commission entretient avec les services sur leurs demandes.
La CNCTR ne se borne pas en effet à émettre des avis favorables ou défavorables : elle motive chacun de ses avis défavorables et explique ainsi aux services concernés le raisonnement qui la conduit à émettre de tels avis, afin qu’ils puissent en tenir compte dans leurs demandes ultérieures.