La loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement a défini un cadre restrictif pour l’action des services de renseignement en dressant limitativement la liste des intérêts fondamentaux de la Nation pouvant légalement les autoriser à recourir à des techniques de renseignement.
Pour apprécier la légalité de leurs activités, la CNCTR vérifie tout d’abord que les motifs qu’ils invoquent pour mettre en œuvre des techniques de renseignement, non seulement relèvent bien de l’exercice de leurs missions respectives, mais encore mettent en cause certains intérêts fondamentaux de la Nation parmi ceux qu’énumère la loi. Elle s’assure, ensuite, que l’atteinte à la vie privée résultant de la mise en œuvre d’une technique est strictement proportionnée à la gravité des enjeux que recouvrent ces motifs.
Les services de renseignement ne peuvent recourir à des techniques de renseignement pour d’autres finalités que celles prévues par la loi. Le législateur les énumère de façon limitative, en s’inspirant de la notion d’intérêts fondamentaux de la Nation définie à l’article 410-1 du code pénal.
Le recours aux techniques de renseignement n’est pas borné à la « défense » de ces intérêts mais peut également servir leur « promotion », en particulier lorsque sont en cause la politique étrangère de la France ou son patrimoine économique, industriel et scientifique. Les services de renseignement doivent notamment contribuer au développement industriel de la France face à ses concurrents étrangers.
La première finalité concerne l’« indépendance nationale, l’intégrité du territoire et la défense nationale ».
Ces notions, qui figurent dans la Constitution, notamment à ses articles 5, 15 et 21, recouvrent des motifs d’importance vitale telle que la défense militaire du territoire.
La deuxième finalité mentionne les « intérêts majeurs de la politique étrangère, l’exécution des engagements européens et internationaux de la France et la prévention de toute forme d’ingérence étrangère ».
Sont ainsi visés aussi bien la contribution des services à vocation extérieure, comme la DGSE, à la diplomatie française que le contre-espionnage.
La troisième finalité porte sur les « intérêts économiques, industriels et scientifiques majeurs de la France ».
Elle permet notamment de lutter contre l’espionnage industriel et de promouvoir les intérêts économiques français face aux concurrents étrangers.
La quatrième finalité, aujourd’hui la plus invoquée, est celle tenant à la « prévention du terrorisme ».
La CNCTR apprécie cette notion par référence aux articles 421-1 et suivants du code pénal, qui définissent les actes de terrorisme.
La cinquième finalité comprend plusieurs branches. Il s’agit de prévenir, en premier lieu, les « atteintes à la forme républicaine des institutions », en deuxième lieu, les « actions tendant au maintien ou à la reconstitution de groupements dissous », en troisième lieu, les « violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique ».
Cette dernière catégorie peut autoriser la surveillance d’individus particulièrement violents, agissant en groupe structuré dans le but de troubler gravement l’ordre public, notamment à l’occasion de manifestations. La CNCTR, particulièrement vigilante sur ce point, considère toutefois que cette finalité ne saurait être interprétée comme permettant la pénétration d’un milieu syndical ou politique ou la limitation du droit constitutionnel de manifester ses opinions, y compris extrêmes, tant que le risque d’une atteinte grave à la paix publique n’est pas avéré.
La sixième finalité a pour objet la « prévention de la criminalité et de la délinquance organisées ».
La CNCTR s’appuie, pour rendre ses avis dans ce domaine, sur la définition de la bande organisée prévue à l’article 132-71 du code pénal, telle qu’elle a été précisée par la jurisprudence de la Cour de cassation, ainsi que sur les dispositions du même code qui prévoient les crimes et les délits pouvant être commis par plusieurs personnes agissant en bande organisée.
La septième finalité permet la « prévention de la prolifération des armes de destruction massive ».
Cette finalité, insérée lors des débats parlementaires sur le projet de loi relatif au renseignement pour prendre en compte une mission propre aux services de renseignement, a pour objet la prévention d’incriminations pénales particulièrement graves, définies aux articles L. 2339-14 à L. 2339-18 du code de la défense.
Le service chargé du renseignement pénitentiaire, le service national du renseignement pénitentiaire, peut être autorisé, pour une finalité particulière à la situation carcérale, qui est de prévenir les évasions et assurer la sécurité au sein des établissements pénitentiaires, à recourir à un nombre limité de techniques de renseignement.