Publication du rapport d'activité de la CNCTR pour 2022
La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) rend public son septième rapport d'activité : elle y décrit les constats dressés lors de ses contrôles au cours de l'année 2022 et livre ses réflexions sur l'encadrement de l'action des services de renseignement, en publiant notamment une étude relative à la surveillance des extrémismes violents.
La CNCTR relève que, pour la première fois depuis 2015, le nombre de personnes surveillées par des techniques de renseignement a diminué, passant de 22 958 personnes en 2021 à 20 958 en 2022, alors même que le recours à ces techniques a, lui, continué de progresser, pour atteindre 89 502 demandes d'autorisation de surveillance cette année, soit son plus haut niveau de constaté depuis l'installation de la commission. Si, comme les années précédentes, les techniques les moins intrusives, consistant à recueillir des métadonnées, restent les plus utilisées, les services ont davantage recouru en 2022 à des techniques affectant le plus la vie privée : ensemble, les demandes de sonorisation, de captation d'images dans un lieu privé ou de recueil de données informatiques affichent une progression de près de 30% sur un an.
Autrement dit, si le nombre de personnes surveillées est plus réduit cette année, la surveillance les concernant a aussi été plus intense : c'est le résultat d'un effort de ciblage plus précis de la part des services ; c'est aussi la conséquence d'une difficulté croissante pour accéder au contenu de communications le plus souvent chiffrées.
Dans le détail, la prévention du terrorisme fonde toujours le plus grand nombre de demandes de surveillance, à hauteur de 38%, mais celles-ci ont porté sur un nombre plus limité de personnes, près de 1 500 en moins d'une année sur l'autre.
La même tendance s'observe s'agissant de la prévention des violences collectives, motif de surveillance qui a concerné 2 692 personnes en 2022, contre 3 466 l'année précédente. Ce rapport témoigne enfin d'une mobilisation accrue des services de renseignement contre les ingérences étrangères, une finalité du recours aux techniques de renseignement qui représente désormais 20% du nombre total des demandes de surveillance, comme du nombre de personnes surveillées, soit une part nettement supérieure à celle constatée les huit années passées.
Ces constats sont le reflet d'évolutions conjoncturelles. Ils montrent, en même temps, la capacité des services à s'adapter aux mutations des menaces, en particulier du terrorisme, qui est aujourd'hui moins le fait d'organisations structurées que d'individus isolés, ainsi qu'à la situation internationale, notamment depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie.
Comme dans ses précédents rapports, la CNCTR constate que les services de renseignement ont le souci de respecter la loi et qu'ils s'appliquent à s'y conformer lorsque des irrégularités sont commises, même si leur appropriation du cadre légal révèle encore des marges de progression. Le nombre des avis défavorables rendus par la commission représente en 2022 un taux de 1,6% contre 1,1% en 2021 : c'est la conséquence d'un recours accru cette année aux techniques de renseignement les plus intrusives, sur lesquelles la CNCTR se montre très vigilante, ainsi que d'un contrôle renforcé de sa part sur l'usage des techniques visant à prévenir les violences collectives. La surveillance du militantisme politique, afin d'éviter qu'il recoure à l'action violente, est une question sensible. La CNCTR attend des services qu'ils étayent particulièrement la motivation de leurs demandes.
La commission, pour rendre compte du contrôle effectué sur de telles demandes, a jugé utile d'accompagner ce rapport d'une étude portant sur la surveillance des extrémismes violents. Elle y présente, d'une manière aussi détaillée que le permet le secret de la défense nationale, la doctrine qu'elle a construite à travers ses avis pour délimiter le périmètre d'action des services au regard de la loi.
Enfin, ce rapport dresse des perspectives concernant la nécessaire évolution du contrôle a posteriori de l'action des services de renseignement face à la sophistication technique croissante des modes opératoires utilisés pour mettre en œuvre les techniques de renseignement prévues par la loi.