La CNCTR contrôle l’action des services de renseignement, en veillant à ce que les techniques leur permettant de recueillir du renseignement soient légalement mises en œuvre sur le territoire national.
La loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement a instauré un cadre juridique général pour l’activité des services de renseignement, avec l’objectif de renforcer la protection de la vie privée.
Ces services doivent déployer des moyens parfois importants pour avoir accès discrètement aux informations qu’ils recherchent et disposer ainsi, à l’insu des personnes qui les détiennent, de renseignements relatifs à des menaces ou à des risques susceptibles d’affecter la vie de la Nation. Pour l’accomplissement de cette mission, ils peuvent être autorisés à recourir, sous le contrôle de la CNCTR, à des techniques attentatoires à la vie privée, telles que l’accès à des relevés téléphoniques, l’interception de correspondances privées, la captation d’images et de paroles dans un lieu privé ou le recueil de données informatiques : ce sont les techniques de renseignement.
Le législateur a encadré leur mise en œuvre afin de garantir que l’autorité publique n’y recoure qu’en cas de nécessité :
Des services légalement habilités
La loi prévoit tout d’abord que seuls certains services peuvent être autorisés à utiliser des techniques attentatoires à la vie privée pour la recherche et la collecte du renseignement.
Cette capacité est limitée à des services légalement compétents pour avoir recours à des actions de prévention relevant de la police administrative, à des fins de maintien de l’ordre par exemple ou de sauvegarde de la sécurité nationale (comme la prévention d'actes terroristes, ou le contre-espionnage).
Les services spécialisés de renseignement, parmi lesquels se trouvent la direction générale de la sécurité intérieure et la direction générale de la sécurité extérieure, peuvent recourir à la plupart de ces techniques, tandis que d’autres ne peuvent les utiliser que de manière limitée, selon la mission qui leur a été confiée en matière de renseignement. C’est le cas des services de police judiciaire dont la mission principale n’est pas le renseignement mais la répression d’infractions à la loi pénale.
Des techniques définies par la loi
Le législateur, ensuite, a défini les techniques auxquelles ces services peuvent avoir recours, en précisant pour chacune d’entre elles les conditions de leur mise en œuvre et les modalités de leur contrôle.
Certains services peuvent être autorisés à pénétrer dans un lieu d’habitation pour mettre en œuvre ces dispositifs de surveillance.
Des finalités limitées en nombre
La loi, enfin, subordonne l’utilisation de ces techniques à la poursuite de motifs d’intérêt général. Elle dresse à cet effet la liste des intérêts fondamentaux de la Nation pouvant légalement justifier d’y recourir.
Aussi, la mise en œuvre de techniques ne peut avoir d’autre but que la prévention d’activités susceptibles de représenter une menace grave contre ces intérêts, telles que la préparation d’actes de terrorisme ou la participation à des organisations criminelles, ainsi que l’implication dans des projets violents destinés à déstabiliser l’ordre public.
Le recueil du renseignement peut également servir à promouvoir les intérêts géopolitiques de la France, face à des tentatives d’ingérence étrangère notamment, ou à préserver ses intérêts économiques, industriels et scientifiques majeurs.
La CNCTR vérifie par conséquent que le recours à ces techniques s’inscrit uniquement dans l’exercice des missions confiées à ces services et qu’il est justifié par des motifs légitimes pouvant légalement fonder leur mise en œuvre.
Elle s’assure ensuite que l’atteinte à la vie privée qui en résulte, notamment au secret des correspondances, à la protection des données personnelles et à l’inviolabilité du domicile, est proportionnée à la gravité des menaces ou à l’importance des enjeux qu’invoquent les services. Il existe en effet une évidente différence de degré dans l’intrusion selon que la technique consiste à obtenir la liste des correspondants d’une personne (les « fadettes ») ou à installer un micro dans son domicile.
Ce contrôle est renforcé lorsque sont visées des personnes dont l’activité, en démocratie, justifie une protection spéciale, c’est le cas pour les parlementaires, les magistrats, les journalistes et les avocats.
Son contrôle porte, a priori et a posteriori, sur la mise en œuvre de l’ensemble des techniques de renseignement prévues par la loi et s’étend à tous les services de renseignement habilités à y recourir.
La CNCTR exerce son contrôle à chaque étape de la procédure de mise en œuvre des techniques de renseignement.
Le contrôle préalable
Elle examine tout d’abord la légalité des demandes des services de renseignement visant à y recourir : c’est le contrôle a priori.
Lors de cette étape, la commission rend un avis, favorable ou défavorable, au Premier ministre, avant que celui-ci ne statue. Ce contrôle de légalité porte sur toutes les demandes de mise en œuvre de techniques de renseignement sur le territoire national, ainsi que sur celles visant à exploiter les communications électroniques internationales interceptées par certains services.
Le contrôle a posteriori
L’exécution de chaque autorisation délivrée par le Premier ministre peut ensuite faire l’objet de vérifications par la commission : c’est le contrôle a posteriori.
Dans ce cadre, la CNCTR s’assure, de sa propre initiative ou à la demande de toute personne souhaitant vérifier qu’elle n’a pas fait l’objet illégalement d’une technique de renseignement, que les services disposent d’une autorisation pour y recourir et, le cas échéant, qu’ils recueillent les renseignements, les exploitent et, dans certains cas, les transmettent à d’autres services uniquement dans le cadre prévu par cette autorisation et dans les limites fixées par la loi.
La CNCTR peut délibérer sur toute question relevant de sa compétence, soit de sa propre initiative, soit à la demande du Gouvernement et du Parlement.
La commission est régulièrement consultée pour rendre des avis sur des projets de modification du cadre légal applicable au renseignement, ainsi que sur des projets de textes d’application réglementaire. Ses avis publics sont consultables depuis ce site.
Elle est en outre régulièrement entendue par le Parlement, et notamment par la délégation parlementaire au renseignement pour livrer devant les membres de cette instance spécialisée commune à l’Assemblée nationale et au Sénat les constats qu’elle dresse sur l’application de la loi.
Le cadre juridique créé par la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement vise à garantir « le respect de la vie privée, dans toutes ses composantes, notamment le secret des correspondances, la protection des données à caractère personnel et l’inviolabilité du domicile ». Le livre VIII du code de la sécurité intérieure, intitulé « Du renseignement », prévoit ainsi dans son article liminaire que « l’autorité publique ne peut y porter atteinte que dans les seuls cas de nécessité d’intérêt public prévus par la loi, dans les limites fixées par celle-ci et dans le respect du principe de proportionnalité ».
Le respect de la vie privée est un principe garanti à tous les degrés de la hiérarchie des normes. Il est quotidiennement invoqué devant les juridictions des ordres judiciaire et administratif, qui se prononcent sur la proportionnalité des atteintes susceptibles de lui être portées. Le droit au respect de la vie privée est inscrit à l’article 9 du code civil depuis la loi du 17 juillet 1970 tendant à renforcer la garantie des droits individuels des citoyens. Le Conseil constitutionnel lui a reconnu en 1999 une valeur constitutionnelle en estimant que la liberté proclamée par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen impliquait le respect de la vie privée.
C’est aussi un principe consacré par le droit européen et international.
Ce droit figure à l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales signée à Strasbourg le 4 novembre 1950, et est à l’origine d’une jurisprudence abondante de la Cour européenne des droits de l’homme. Aux termes de cet article, « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».
Enfin, ce principe a été consacré par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dans son article 7.
La CNCTR s’appuie, pour exercer son contrôle a priori et a posteriori, sur l’ensemble des normes nationales relatives au droit au respect de la vie privée, interprétées le cas échéant par la jurisprudence judiciaire, administrative et internationale en la matière.